Le monde est vaste et dur, plein de rebondissements, il s'agit alors de ne pas manquer l'essentiel.

Cette partie est réservée à vos anecdotes, mais elle n'est pas obligatoire. Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit, sed do eiusmod tempor incididunt ut labore et dolore magna aliqua. Ut enim ad minim veniam, quis nostrud exercitation ullamco laboris nisi ut aliquip ex ea commodo consequat. Duis aute irure dolor in reprehenderit in voluptate

Elle n'osait pas. Non cela ne pouvait pas être, possible. Tout cela était irréel, elle le savait parfaitement. Elle avait tant de fois rêvé de cet instant, de ce moment où elle sentirait à nouveau la puissance qui circulait dans chaque parcelle de son corps. Elle avait tout gardé de l'animal blessé, de l'animal traqué. Elle n'était jamais certaine de qui allait la trouver au coin de la rue, lui imposant une volonté qu'elle ne reconnaissait pas. Elle fixait le miroir sans savoir si elle était autorisée à faire quoique ce soit. Après tant de temps, elle ne pouvait dire qu'une chose, elle n'était même pas certaine de savoir encore comment faire. Elle avait du apprendre du jour au lendemain à vivre comme une simple mortelle, comme une pauvre mortelle. Jamais elle n'aurait pu imaginer que le jour viendrait où elle regagnerait ses pouvoirs, ses galons. C'était inespérée pour elle qui était restée si longtemps éloignée de tout cela. C'était une revanche sur la vie, mais pour autant est-ce qu'elle le voulait vraiment ?

Séléné avait fini par apprendre à vivre de cette manière-là, et si elle en avait vu que les inconvénients au début de son exil, elle avait fini par trouver son bonheur à mener sa vie de cette façon. L'immortalité avait toujours un prix à payer mais aurait-elle été aussi heureuse, aurait-elle eu autant de liberté si elle était restée auprès des Dieux. Elle aurait du rendre des comptes un jour ou l'autre, elle aurait été placé comme coupable de chercher à se rapprocher autant des hommes et sans doute aurait-elle fini comme bien des Dieux aujourd'hui, en étant hautaine et en méprisant royalement l'humanité. Ouranos était venue la trouver, avait-il pris conscience des doutes qui étaient en train de gagner petit à petit la déesse ? Sans doute avait-il senti quelque chose, perçue son hésitation, ses craintes d'un nouveau jugement qui serait encore plus dur à accepter que le précédent. Si leur cause venait à être perdue, elle était certaine que Zeus se ferait une joie de l'enfermer dans les profondeurs les plus terribles du domaine d'Hadès et cette éternité serait sans aucun doute bien plus violente qu'elle n'aurait jamais pu imaginer. Pour autant, il fallait bien reconnaître qu'une partie d'elle avait envie de se venger. De faire payer à Zeus, mais à tous les autres aussi, l'affront qu'on lui avait fait et finalement elle s'était décidée à rejoindre le rang des opposants et ainsi à retrouver son frère.

Les croyances ont changé, chaque époque, chaque siècle a été marqué différemment. Les Dieux, nombreux et vénérés, ont du laisser la place à un Dieu unique, mais sage qui devait rassembler les peuples et les cultures mais qui n'a engrangé que colère, souffrance et désolation sur le monde. Aujourd'hui, les hommes ne croient plus en rien, ni en personne. Ils ferment les yeux sur les biens précieux qui existent sur Terre, attendant de voir ce qui se passera, laissant la fatalité les emporter sans même essayer de faire quoique ce soit pour leur bien être ou celui des générations futures. Oui, ils m'ont oublié, mais moi je n'ai jamais pu, je n'ai jamais su ou tout simplement je n'ai jamais voulu. Toujours là dans l'ombre, nimbée par l'éclat si particulier de l'astre lunaire. J'ai attendu, espérant qu'un jour les choses changeraient, que les hommes prendraient conscience du danger, se réveilleraient et mèneraient le combat pour la nature, pour la vie.

J'ai porté bien des noms, ils furent reconnus pour certains, la plupart ont été oubliés, poussière d'une vie passée éparpillé par les vents. J'ai traversé bien des époques, heureuses ou malheureuses, temps de paix ou de guerres sanglantes, l'homme a su me surprendre et me décevoir. Tel le dieu Janus, la vie ce n'est pas simplement tout l'un ou tout l'autre. Oh oui, j'ai vécu tellement de choses que ma mémoire n'a su tout retenir, j'ai eu de nombreuses opportunités, de nombreux essais, à chaque fois tout recommencer pour le meilleur ou pour le pire. J'ai appris à aimer, j'ai appris à détester, j'ai appris à sourire, j'ai appris à pleurer. J'ai rencontré des milliers de gens aux histoires et aux âmes si différentes, je les ai tous pleuré.

La brise était légère, le feu crépitait de plus en plus fort, comme si quelqu'un s'était approchée de lui et lui insufflait une conscience propre. La chaleur venait doucement envelopper son corps, l'esprit vagabondait à des milliers de kilomètres de la Terre, perdu dans le ciel, perdu dans les étoiles, fixant l'astre lunaire avec une dévotion rare. Au jour succédait la nuit, la nuit était chose puissante, pleine de noirceur mais elle était avant tout une épreuve pour permettre aux plus valeureux de se jauger. C'était sous la protection de la Lune que les peurs et les prières se confondaient le plus souvent.  Dans le secret de la nuit, les murmures se perdaient facilement et il semblait alors que les mots n'avaient jamais été prononcés et la sincérité du moment était finalement voilée. Les enfants jouaient non loin de là, alors que les anciens psalmodiaient dans une langue qu'ils étaient les derniers à comprendre et à utiliser encore. A l'odeur du bois, s'ajoutait le parfum tout particulier de l'encens qu'on faisait brûler, propageant autour du feu de camp une aura brumeuse et mystérieuse. Doucement, elle ferma les yeux rien qu'un instant. Non son corps n'avait pas vieilli, elle était toujours une charmante jeune femme, qui vous envoûtait en un battement de cils. Son regard vous électrisait, vous subjuguait, certains ne manquaient pas de dire qu'il était dangereux de se perdre dans ces yeux. Elle avait trouvé sa place ici, personne ne comprenait réellement qui elle était, les plus jeunes pensaient à une conteuse d'histoire bien agréable à écouter, et à regarder pour les plus anciens d'entre eux. Les anciens de la tribu, qu'ils soient hommes ou femmes en avaient fait une légende pour leur tribu, telle une comète filante, qui venaient à leur contact à un rythme plus ou moins réguliers au cours des années, des décennies même. Elle avait leur respect et elle avait toujours mis un point d'honneur à le leur rendre. Oui, elle ressemblait à une jeune femme, mais elle, elle connaissait la vérité, elle sentait le poids des millénaires dans sa chair, dans son âme, dans son cœur. Elle ne pouvait rien faire contre cela. C'était son don, c'était également son fardeau. Après tout, elle n'avait jamais eu le choix. Elle était née déesse, avant que nous lui retire son titre, qu'on ne la dépouille de tout ce qui faisait d'elle ce qu'elle était et qu'on ne lui accorde plus que l'immortalité. Humaine pour l'éternité. Cela avait son charme, la société changeait si rapidement que cela pouvait parfois représenté un défi pour elle mais une certaine lassitude avait fini par la gagner.

Elle sentit un corps frêle monter sur ses genoux avant qu'il ne vienne à emprisonner son cou de ses petits bras d'enfant. Elle ouvrit les yeux, et un doux sourire se dessina sur ses lèvres. « Que fais-tu debout encore à cette heure petite luciole ? » La fillette passa une main douce et caressante sur le visage de l'adulte, elle ouvrit la bouche prête à parler, dévoilant sa dentition qui se faisait éparse signe de la perte des premières dents de l'enfance. « Raconte moi encore ... » La fillette se mit à lui faire un regard suppliant et elle n'était pas la seule. Les autres enfants s'étaient arrêtés de jouer, et silencieusement ils s'étaient approchés d'elle, s'étaient assis en cercle autour d'elle. « Oui raconte nous l'histoire ! » Elle soupira doucement, elle n'était nullement contrariée, elle était très amusée de la réaction des enfants. Ils semblaient avoir un certain attachement pour elle, et cela ne pouvait que lui mettre du baume au cœur. « Vous la connaissez déjà … Quelle partie voulez-vous ? » Ils se regardèrent un instant dans le silence avant de répondre avec entrain « Tout ! ». Séléné leur sourit alors avec toute la tendresse qu'elle pouvait transmettre dans ce simple geste. Elle remit en place l'une des longues mèches brunes en place de la jeune demoiselle et elle se mit alors à raconter son histoire tout en se balançant dans son vieux rocking-chair, la lueur du feu dansant sur son visage la rendait soudainement plus vieille qu'il n'y paraissait réellement à la lumière du jour. « Tout a commencé ... »

Il y a bien longtemps, même bien trop de temps pour qu'elle puisse donner une date exacte. Elle pouvait dire qu'elle était là au moment où la vie humaine telle qu'elle existait aujourd'hui était encore balbutiante et même encore avant sans doute. C'était il y a une éternité, tout était si différent pour elle aujourd'hui. Comme tout à l'opposé de son frère, elle avait toujours pris sa fonction très à cœur, il était le soleil, elle était la lune. Elle passait ses nuits à parcourir le ciel sur un char d'argent,  tiré par deux chevaux. Elle luisait d'une douce lumière argentée pendant qu'elle voyageait à travers les cieux, renvoyant sa douce lumière sur la terre ensommeillée. Elle s'appliquait à sa manière à protéger les peuples et la nature, essayant de se déposséder de cette image difficile que la nuit causait. La nuit était alliée symboliquement à la noirceur du monde, le danger était toujours plus grand une fois que les derniers rayons du soleil avaient disparu. En effet, cela représentait une épreuve, que tous ne pouvaient réussir mais si on venait à la prier alors elle était prête à protéger quiconque faisait appel à elle. On avait fini par croire qu'à chaque éclipse de lune, Séléné allait se faire manger par un dragon et alors les hommes venaient à effectuer certains rites pour éviter ce désastre. C'était une marque d'amour de leur part à son égard. En tout cas c'est ce qu'elle avait toujours espéré. Elle n'avait jamais cherché à être la Déesse la plus aimée, la plus honorée. Elle ne concourait pas pour entretenir son orgueil, mais les attentions des hommes pour elle étaient toujours une bénédiction. Cependant, les choses étaient amenées à changer, et cela de façon drastique. Si rien n'était à lui reprocher, le comportement ambigu que pouvait avoir son frère ne manquait pas d'intriguer le roi des Dieux et Zeus n'était pas réputé pour laisser les choses se dérouler, préférant couper court à son inquiétude s'il venait à avoir le moindre doute. Hélios n'était sans doute pas le Titan le plus enclin à faire ce qu'on lui demandait, on ne pouvait pourtant lui refuser le respect qui était lié à son ascendance et son rôle était néanmoins primordial sur Terre. Pour autant, il avait été puni, puni de son comportement et tout la divinité qu'on pouvait lui accorder lui avait été retiré avant qu'il ne soit tout simplement jeté dans un sombre cachot dont Séléné ne pouvait connaître le lieu exact. Elle avait tenté tant bien que mal de plaider sa cause auprès du Seigneur Zeus. Ils avaient été amants, ils avaient eu deux enfants ensemble, elle avait espéré que cela jouerait en sa faveur dans les négociations. Cependant, le Seigneur des Dieux semblait avoir fait une croix sur le passé et son action n'avait pas été pris comme un acte d'amour d'une sœur pour un frère mais comme une démonstration d'une possible rébellion, ou tout du moins d'un esprit rebelle qui pouvait fragiliser son statut si l'idée commençait à germer dans d'autres esprits.  Un vent de panique venait à gagner les cœurs, à inquiéter les esprits et les murmures se faisaient de plus en plus présents, de plus en plus oppressants. Il garda le silence, ne répondant plus aux nombreux questionnements de la belle déesse.

Le bannissement. Tout honneur, toute divinité lui fit retirer. Comme si elle n'était plus digne. Comme si elle était qu'une vulgaire conspiratrice. Commença alors la chasse. Tel un oiseau de nuit, elle dut fuir, fuir pour sa vie, ou tout du moins pour ce qu'il en restait. Elle n'avait jamais connu le monde des mortels, même si elle avait été une des seules à apprécier le monde des hommes et à chercher à le connaître, elle se rendait compte petit à petit qu'elle n'avait finalement rien vu malgré le temps qu'elle avait déjà eu sur cette Terre. Elle était condamnée par Zeus, traqué par Artémis qui avait pris son rôle auprès des hommes, elle était un animal blessée qui ne restait plus qu'à abattre. La souffrance était telle qu'elle n'arrivait plus à penser correctement, qu'elle avait fini par perdre le sens de la réalité. Elle ne sait combien de temps elle a passé à fuir, des jours sans surprise, des semaines et des mois sans aucun doute. Une éternité dans tous les cas, où qu'elle aille, quelque soit l'époque dans laquelle elle se trouvait, il ne fallait pas qu'elle croise le chemin de la dangereuse Artémis ou de l'une de ses chasseresses. Sans doute avait-elle pour plan de l'enfermer comme le reste des titans dans une geôle du Tartare, laissant son âme se consumer jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. Séléné avait l'habitude de rester dans l'ombre, elle n'était pas la déesse le plus en vogue à l'époque et finalement, après les aspects techniques auxquels elle avait dus se contraindre, elle finissait par se fondre dans le décor, elle avait gardé une certaine aura autour d'elle qui semblait plaire aussi bien aux hommes qu'aux femmes et si son éternel jeunesse ne risquait pas de trahir qui elle était réellement, elle n'aurait jamais cherché à vagabonder ainsi de cité en ville, de ville en port. D'une certaine manière, elle tentait de montrer une certaine résistance à ces anciennes origines. A chaque fois qu'elle se retrouvait face à la toute puissance des Olympiens, qu'ils soient grecs ou romains, elle s'attachait aux peuples plus sauvages, plus téméraires, qui avaient le goût de l'insubordination, de l'opposition contre les mêmes personnes qui avaient transformé sa vie en Enfer. Il y eut les peuples celtes, les gaulois en qui elle croyait terriblement pour empêcher Rome de tout écraser sur son passage. Elle s'éloigna un temps du monde des mortelles, devenant pour ses peuples de plus en plus civilisés une paria à certains moments, quelqu'un d'étrange dont il fallait se méfier. Elle alla bien plus au Nord, suivant les Vikings dans leur combat ardu contre la religion catholique et les hommes venus d'Europe pour assouvir leur domination.

Séléné finit par plus ou moins s'installer au cœur de l'Europe Continentale, au sein même de ces grandes forêts de pins, dans ses hautes montagnes où l'homme fragile n'osait se rendre, dans ces lieux de résistance, dans ces lieux où tout ennemi était désigné sous le nom de barbares car ils ne répondaient pas à ce qu'un roi souhaitait de lui. On lui attribut différents noms, elle porta différents visages, elle se créa mille et une histoire à raconter à qui voulait bien les entendre. Elle observa le monde changé, l'homme progressé, parfois par l'aide divine d'un ou plusieurs dieux suivant les croyances de chacun, mais bien souvent par eux-mêmes. Zeus pouvait envoyer tous les fléaux qu'ils voulaient, cette création n'était plus entre ses mains et elle évoluait à loisirs. Plus le temps s'écoulait et plus l'homme retrouvait un raffinement perdu depuis l'Antiquité. Les Rois se prenaient pour des Dieux, invoquant à tord et à travers leur prétendue divinité pour imposer leurs bons vouloirs, persécutant les plus faibles ou ceux qu'ils considéraient comme des ennemis prêts à renverser leur ordre. Fidèle à ses habitudes, Séléné s'était attachée à un homme qui se présentait sous la religion protestante, un réformé qui ne trouvait pas sa place parmi le peuple de Louis XIV. Elle se sentait bien, et elle se sentait prête par amour à se poser là avec lui, quoique puisse dire ce roi qui se croyait au-dessus de tout. Si le grand père avait été partisan de leur cause, si le père s'était montré coopératif par instant et bourreau à d'autres moments, le fils lui n'avait pas décidé de les laisser tranquille. A la révocation de l’Édit de Nantes, il ne fallut pas longtemps à l'ancienne déesse pour comprendre ce qui allait arriver à cette communauté où elle avait su si durement se faire une place. Il attaqua la Rochelle, un des chefs-lieux où vivaient les Réformés. L'injustice voulut que son compagnon meurt, alors qu'elle-même était enceinte. Rester en France lui était impossible, rester en Europe n'était plus acceptable. Ici, à chaque fois que la vie semblait enfin lui offrir quelque chose, elle ne manquait pas de lui reprendre ce qui apparaissait de plus précieux de la plus terrible des façons. Elle avait tant perdu sur ce continent, elle n'avait plus la force de se construire une nouvelle vie sur cette Terre qui semblait l'avoir repoussé toute sa vie durant. A nouveau, l'exil était la seule solution. Tout le monde ne parlait que de ça, de ce nouveau continent, de cette nouvelle terre promise qui pouvait en sauver plus d'un. Elle fuit alors en pleine nuit le rivage de la côte française, dans un bateau, avec de nombreux autres protestants, sachant pertinemment qu'elle ne reviendrait jamais ici, de toute son éternité.

Le voyage dura plus de deux longs mois, les maladies se propagèrent facilement, la mer était capricieuse et ne cessait de tendre des pièges aux navigateurs qui tentaient de traverser l'océan. Poséidon était-il au courant qu'elle faisait parti du voyage ? Avait-il reçu un quelconque ordre pour malmener le navire et ses occupants. Elle ne doutait pas qu'elle n'était plus autant une menace qu'un millier d'années auparavant mais elle connaissait Zeus, il n'oubliait jamais rien, ni personne d'ailleurs.  Plusieurs personnes moururent, de tout âge et de tout sexe. Ils finirent par mettre pied à terre, sur le sol du Nouveau Monde, plus exténués que jamais. Elle avait besoin d'espace, elle avait besoin d'air, elle avait besoin de se perdre, et de retrouver une vie sereine. Elle avait mis au monde une petite fille qui malheureusement n'avait pas survécu à la traversée. Son immortalité l'avait protégée autant qu'elle l'avait pu, mais à la naissance, elle n'avait rien pu faire et si elle avait été une déesse, elle n'était qu'une mère comme une autre qui aurait tout fait pour son enfant mais ne pouvait faire de miracle. Elle devait se reconstruire, et pour cela, elle avait besoin à nouveau de se retrouver seule, de faire son deuil. Elle passa quelques mois en solitaire, revenant à son premier amour, la nature, avant de se décider à explorer ce nouveau territoire. Elle fit la rencontre d'une tribu toute particulière, les Lenape. Beaucoup de membres de cette communauté avaient été déracinés progressivement par l'arrivée des colons qui semaient le trouble notamment à cause des maladies qui avaient pu être importés d'Europe mais également à cause de la mise en place d'un commerce malhonnête qui perturbaient les échanges entre les différents peuples amérindiens. Cette tribu avait su se préserver, combattant tout ce que les Européens pouvaient amener de mauvais chez eux et les bénéfices étaient bien trop rares pour les retenir. Séléné se mit alors à étudier ce peuple, parfois en s'invitant dans leur tribu, en gagnant sa place parmi eux, et parfois en les observant d'un peu plus loin, d'un commun accord, ils se respectaient mutuellement, et finalement ils avaient finis par s'accepter, même si elle était une européenne, qui avait débarqué comme tous les autres colons. Le fait qu'elle ne vieillissait posa de nombreuses questions à ce peuple, mais leurs croyances permettaient d'expliquer cela et ils finirent par allier sa présence à leur histoire, comme une vieille chaman à qui on pouvait aller rendre visite parfois pour obtenir des réponses à certaines questions, une femme qui avait de nombreuses connaissances sur les plantes et les matériaux dont regorgeaient la terre et qui pouvaient améliorer leur façon de vivre, quelqu'un qui vous racontait des histoires, des légendes que personne encore n'avait connu ici. Elle parcourut l'Amérique pour rencontrer ces différentes tribus, souffrant de voir leur disparition, leur esclavage, leur mise à l'écart de la société alors que ces terres leurs appartenaient. Il est vrai que même aujourd'hui encore, elle habite non loin d'une réserve, s'attachant à eux comme une seconde famille.

A la fin de son récit, le vent souffla bien plus intensément qu'avant. Les flammes qui s'étaient faites si virulentes avaient manqué de peu d'être éteintes par cette simple bourrasque. La nuit emportait les secrets, les choses qu'on ne voulait pas que les autres sachent, souvent la vérité était elle le plus précieux des trésors. La fillette s'était finalement assoupie dans le creux de ses bras, tout comme quelques enfants qui ne semblaient pas s'intéresser plus que ça à la magie dont le monde était pourvue. Les anciens l'observaient en silence, comme s'ils étaient dans la confidence eux aussi, que cette histoire était également la leur. Les plus jeunes semblaient avoir des questions à poser, mais ils n'osaient visiblement pas prêts à le faire. Certains ricanaient de leur côté, comme si tout cela ne pouvait être vrai. Si elle ne l'avait pas vécu, sans doute n'aurait-elle pas pu y croire elle-non plus. Ses yeux prirent la teinte de la Lune, brillant dans le noir, avec une étincelle de dangerosité. « Voulez-vous que je vous raconte une autre histoire ? Une histoire bien plus récente, une histoire de renaissance … » Sa voix n'était presque plus qu'un murmure pour autant, elle semblait n'avoir jamais été aussi affirmé qu'auparavant. « Les Dieux sont réels, les Titans se réveillent. Si la Terre Mère a failli, le Ciel lui gronde et vous serez bientôt surpris par la puissance que cela dégagera. » Petit à petit, elle avait laissé son pouvoir s'échapper d'elle, des objets s'étaient mis à léviter autour d'elle et si on faisait bien attention, on pouvait voir sous son long jupon que ses pieds ne touchaient plus le sol. Quant à la déesse, elle ne parlait plus, elle s'exprimait directement dans l'esprit des personnes présentes. « Vous croyez savoir, vous la jeune génération, mais vous êtes aveugles. » Son visage se modifiait à chaque instant qu'elle parlait, prenant l'apparence des personnes de la tribu vivants ou morts. Elle vit alors leurs regards changés. « J'ai accepté de rejoindre Ouranos pour pouvoir combattre les Dieux qui m'ont bannis de l'Olympe et qui m'ont obligé à souffrir pour l'éternité. Une vie de mortelle pour l'éternité, sans chance de réincarnation ou même d'un jour trouvé le repos. » Un miaulement se fit entendre à ses pieds, et tout sembla s'arrêter. Doucement elle prit l'animal dans ses bras, caressant son pelage d'une douceur extrême apaisant sa colère et ses angoisses par un simple contact. Elle soupira doucement, le chat le fixait avec une certaine forme de sévérité, déclenchant un léger rire chez Séléné. Elle fit miroiter à chacun quelques secrets cachés dans les esprits pour faire disparaître cette discussion, rien qu'une illusion, avant de s'éloigner dans la forêt. « Viens Crips, nous allons les retrouver. » Un éclair argenté et elle disparut définitivement dans la nuit noire comme de l'encre.